L’immobilier constitue le 2e poste de dépense des entreprises. Optimiser ce poste de dépenses, c’est dégager des économies, financières et environnementales, tout en répondant aux nouvelles attentes des collaborateurs.
Décision Achats N° 231 septembre 2022
par Fanny Perrin d’Arloz
Pages 54-56
1572 mots – 6 min
FAMILLES D’ACHATS
Après la crise de la Covid, les entreprises retrouvent peu à peu de la visibilité sur leur immobilier. « Les restructurations s’opèrent mais de manière moins radicale que nous l’aurions pensé. Après la crise de 2008, le redémarrage avait été très rationnel et quasi identique pour toutes les entreprises. Cette crise est plus intimiste et affecte la façon de vivre et de travailler. Les réactions sont beaucoup moins évidentes et normées, les décisions prises moins standardisées. L’immobilier doit être appréhendé comme une composante de la transformation de l’entreprise », résume Raphaële Garrigoux, associée chez Bluebird immobilier, cabinet de conseil en immobilier.
RENÉGOCIER SON BAIL IMMOBILIER : LE BON TIMING ?
Cette période singulière serait-elle propice à la renégociation de son bail immobilier ? Caroline Ceccaldi, Executive Director Advisory Occupiers au sein de CBRE, répond par l’affirmative. « C’est globalement toujours le bon moment de rediscuter ses conditions ». Depuis fin 2021, le marché immobilier est reparti, affichant un fort dynamisme, notamment sur les grandes surfaces.
« De bonnes affaires peuvent être actuellement conclues dans des secteurs moins matures ou se prévalant d’un taux de vacance plutôt élevé. C’est le cas à Clichy ou à Saint-Ouen en Île-de-France », avance Raphaële Garrigoux. Les entreprises composent avec une tendance inflationniste qui risque de perdurer quelques temps, des suites de la guerre en Ukraine et de la désorganisation de la supply chain. « L’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) a connu une augmentation de l’ordre de 5% en moyenne sur les baux commerciaux. Ce phénomène conjoncturel peut peser lourd dans les mois et années à venir, amenant les entreprises à anticiper les prochaines échéances triennales pour renégocier les conditions locatives et à se pencher sur toutes les clauses relatives à leurs baux commerciaux avec comme alternative d’envisager de nouvelles solutions immobilières », témoigne Bruno Amsellem, associé conseil en immobilier chez Deloitte. Pour compresser les surcoûts, elles doivent agir sur tous les leviers qu’elles ont à leur disposition.
LES ATOUTS DU FLEX OFFICE
Pour réduire la facture, il reste toujours opportun d’opérer une négociation sur le prix du loyer, en tenant compte de la valeur locative du marché, de l’ancienneté de son bail et de ses besoins réels en mètres carrés. « S’engager sur un bail long (9 à 12 ans) donne lieu à des remises importantes mais l’angle de lecture ne doit pas être exclusivement économique. Il doit être en adéquation avec le business model. Cette contractualisation nécessite d’avoir validé en amont la capacité et la pérennité de son modèle économique, dans un sens comme dans l’autre », rappelle Raphaële Garrigoux. La localisation du bien immobilier va fortement impacter l’optimisation potentielle sur le coût du loyer. « Elle sera plus aisée dans un secteur avec un taux de vacance élevé ; le propriétaire faisant davantage d’efforts sur le prix pour éviter la désertion des lieux », illustre Caroline Ceccaldi. Avec l’abolition du télétravail, le flex office peut contribuer à réduire la surface des bureaux.
« Instituer deux jours de télétravail par semaine n’en revient pas à réduire de 30 % la surface des bureaux », continue Caroline Ceccaldi. « Les mètres carrés économisés avec le flex office sont souvent réalloués au travail collaboratif, limitant généralement la réduction de l’empreinte surfacique à 10 % ». En pratique, il doit participer à la mise en avant de nouvelles façons de travailler et de nouveaux lieux de vie pour le confort et le bien-être des collaborateurs. « Il n’y a pas de calcul homothétique parfait entre la réduction du nombre de postes et la réduction des mètres carrés », rejoint Raphaële Garrigoux. « Les grandes sociétés vont certes pouvoir dégager des économies, mais cela doit surtout insuffler une nouvelle dynamique et redonner envie aux employés de revenir sur site ».
UN BAIL FLEXIBLE SELON LES BESOINS
Le flex office peut être aussi l’occasion pour les entreprises de relocaliser leur siège social au coeur de Paris et ainsi gagner en attractivité auprès des collaborateurs et des talents potentiels, sans trop impacter la facture.
Entreprendre un déménagement doit toutefois répondre à une stratégie globale, tenant compte de la politique RH et des enjeux environnementaux. « Les promoteurs proposent de plus en plus d’immeubles se prévalant d’arguments RSE, comme une construction responsable, une faible consommation énergétique… », constate Caroline Ceccaldi. Quoi qu’il en soit, les entreprises ont tout intérêt à façonner un bail qui sied à leurs besoins, en essayant de minimiser les risques tout en allouant au maximum de la visibilité au bailleur pour accroître leur pouvoir dans la négociation. « Vous pouvez conclure un bail ferme de 6 ou 9 ans pour la portion qui abrite les fonctions dites ‘‘régaliennes’’, vous permettant de capter en retour plusieurs mois de franchises de loyers et/ou des participations aux travaux. Préférez un bail plus court pour les sites hébergeant des activités liées à un projet ou étant ‘‘à risque’’. Vous pouvez aussi négocier la capacité de résiliation d’un plateau tous les deux ans voire tous les ans », détaille Bruno Amsellem. Obtenir davantage de flexibilité dans l’engagement locatif, avec une sortie plus libre, va s’avérer particulièrement intéressant pour accorder la croissance/décroissance de l’activité économique aux mètres carrés conservés. « C’est un levier qui est assez peu usité par les entreprises, pourtant très efficace. Il est plus complexe à actionner à cause de son caractère stratégique et juridique », admet Raphaële Garrigoux.
NE PAS NÉGLIGER LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT
Pendant la négociation, le loyer ne doit pas être le seul élément en jeu ; les mesures d’accompagnement pouvant avoir une influence forte sur la trésorerie à court terme mais aussi à plus long terme. « Soyez extrêmement vigilant sur la clause de révision du loyer, particulièrement dans un contexte aussi inflationniste, en vous référant de préférence à l’ILAT, un indice résolument moins volatil », ajoute Caroline Ceccaldi. Il est possible d’obtenir des franchises de loyers, une participation à d’éventuels travaux voire des aménagements divers ; comme l’électrification de places de parking qui peuvent dans un même temps participer à la valorisation immobilière. « Sur Paris-La Défense, selon certains paramètres, on peut obtenir des mesures d’accompagnement qui représentent jusqu’à trois à quatre mois de franchises de loyer par année d’engagement », donne en exemple Bruno Amsellem. La sous-location doit être prévue dans le bail, particulièrement si l’évolution de votre activité est incertaine.
C’est un moyen de diminuer les charges et les taxes tout en continuant de supporter la responsabilité du bail. Quant au sous-locataire, il peut jouir de loyers à des valeurs inférieures au marché. « Pensez à rédiger une clause de sous-location large, soit à hauteur de 40 % de la surface pour laquelle est conclu le bail », prévient Bruno Amsellem.
Les clauses de sortie est un des autres éléments à ne pas négliger. « Elles peuvent parfois imposer une remise à l’état initial, ce qui peut représenter une enveloppe de plusieurs millions d’euros pour un immeuble neuf », met en garde Caroline Ceccaldi. De la même manière, le dépôt de garantie et la caution bancaire n’ayant pas le même impact comptable, ils peuvent constituer un axe de discussion profitable. Les charges d’exploitations sont aussi à considérer de plus près, notamment pour réaliser une analyse comparative entre plusieurs biens disponibles. « Faites une étude poste par poste de manière à identifier les sources d’économies potentielles », recommande Caroline Ceccaldi. Enfin, mettre en place un pilotage énergétique fin, tenant compte de l’occupation du bâtiment, constitue un moyen non négligeable de dégager des économies conséquentes.
« L’immobilier doit être appréhendé comme une composante de la transformation de l’entreprise »
Raphaële Garrigoux, Bluebird immobilier